Il a gelé toute la nuit, ce matin je dois faire chauffer le café pour pouvoir ouvrir la fermeture éclair de la tente. Je dois aussi me dépêcher car ce matin nous avons rendez-vous avec Marie-Pierre et Marie-Annick, deux pèlerines que nous avions croisé le long du canal de Nantes à Brest et qui depuis, suivent nos aventures. Normandes, elles attendaient que nous arrivions près de chez elle pour marcher un bout de chemin avec nous. Elles nous rejoignent avec le pique-nique du midi. L’escapade nous emmène sur les zones de combats de la seconde guerre. Nous montons vers les anciennes batteries du Mont Canisy d’où j’espérais voir la mer une dernière fois avec Honoré, parce que la prochaine mer qu’on verra la mer, ce sera la Méditerranée. Et ce n’est même pas sûr qu’on s’en approche suffisamment pour mettre les pieds dans l’eau. Nous sommes tout près de Deauville et les maisons, que dis-je les manoirs et les châteaux, montrent que nous sommes dans un quartier chic. Difficile avec ce temps gris et froid de trouver l’endroit idéal pour picniquer, c’est dans la cour de la mairie, seul endroit où il y a de l’herbe et un banc, que nous nous posons pour déjeuner. Nos chemins se séparent là et je repars avec les restes des mets préparés avec grands soins, par mes compagnes de marche du jour. Ça m’a fait super plaisir que Marie-Pierre et Marie-Annick fassent le déplacement pour marcher avec notre duo. Chacun repart dans sa direction mais je pense que nous nous retrouverons bientôt.
Les chemins sont encore gadouilleux et parfois même tellement que des passerelles ont été ajoutées. Mais celles-là, Honoré ne veux pas les passer, il faut faire demi-tour. Plus loin il y a un cours d’eau que je pense pouvoir passer mais le niveau a dépassé la route, il faut encore faire demi-tour. Las, et la nuit approchant, il est temps de trouver un bivouac. Après quelques refus je rencontre Jérôme qui malgré sa petite cours me propose de m’installer. Plus tard sa compagne Christelle et sa fille Louise viennent nous souhaiter la bienvenue à leur tour. Je profite d’une bonne douche chaude pour me réchauffer de cette journée pendant laquelle les températures sont restées négatives. Je suis également invité au dîner où une bonne quiche me réchauffe de l’intérieur cette fois-ci. La petite famille est très accueillante, je répond avec plaisir aux questions habituelles ponctuées par l’expérience de mes hôtes en équitation. La comparaison entre les deux animaux est intéressante dans la compréhension de leurs caractères. J’ai passé une agréable soirée. Au matin la famille m’offre le café et le papotage reprend. Du coup je ne pars pas avant 10 heures. Pas grave, je n’ai pas de rendez-vous.
Notre petit convoi reprend la route sous un ciel incertain, nous traversons Beaumont-en-Auge et alors que je suis au téléphone, un type à vélo engage la conversation. Je lui fais signe que je suis en ligne mais non, il continu de parler en insistant pour que je lui réponde. Je l’ignore ! À ce moment là, une voiture s’arrête à ma hauteur et le conducteur me prend en photo. Je le regarde avec insistance il me dit : « je vous prends en photo ! » « Ben je vois ça », répondis-je a l’individu, « d’habitude on me demande l’autorisation et je ne la refuse pas, c’est une question de politesse ou de savoir vivre, mais vous ça ne semble pas vous toucher ». Le conducteur continue ses photos comme si je n’avais rien dit. Alors non, je n’ai pas été agréable, mais un bonjour aurait tout changé. C’est quoi ces habitudes à se servir sans demander ? D’ailleurs plus tard, quand je cherchais un bivouac, je me suis rendu compte que ce genre d’individu n’était pas très ouvert au dialogue et à l’accueil. J’ai essuyé quelques refus avant de trouver un bivouac, où j’ai été bien reçu par un vrai Normand qui m’a proposé l’accès à la douche chaude et son épouse m’a préparé un petit panier repas car ils sont les invités ce soir et ne peuvent m’inviter à leur table. Je ne préciserai pas les numéros des départements inscrits sur les plaques d’immatriculations des indélicats qui sont chez eux partout.
Comme souvent en Normandie, la météo n’a pas été fidèle à ce qu’elle avait annoncé, il a plu une partie de la nuit. Et ce matin le départ se fait sous le brouillard avec la frontale car j’emprunte de petites routes étroites. Heureusement il y a peu de circulation mais il vaut mieux assurer une bonne visibilité. Le brouillard ne se lèvera qu’en fin de matinée, juste à temps pour dévoiler un paysage magnifique, vallonné et verdoyant, typique du pays d’Auge que je traverse actuellement. Je me dirige vers Lisieux que j’aperçois déjà à la pause de midi. Le seul bémol à cette belle journée de marche sera l’état pitoyable des chemins traversés par le GR. En effet, déjà hier nous avons croisé de nombreux motocyclistes et quads qui empruntent ces chemins piétons sans scrupule. Il faut dire que c’est une région qui comporte de nombreuses sources qui inondent régulièrement ces petits chemins, mais quand des motos passent à toute vitesse sur le sol boueux, les roues labourent littéralement le passage. Il faut alors jouer les équilibristes pour arriver à tenir debout à pieds, d’autant plus que les dénivelés ici sont importants. Je poursuis l’avancée tranquillement à la recherche du bivouac du soir. Les maisons sont assez éparpillées sur le contournement de Lisieux, il semble que la plupart de leurs habitants sont au travail. Je fini tout de même par trouver un bout de terrain devant chez Jacques, un brave homme qui culpabilise à me laisser dormir dehors et qui m’amène des briques chaudes pour la nuit. Demain la journée devrait être plus courte car je suis attendu chez François chez qui je ferai une pause d’un jour ou deux.