Au départ de Pil’ânes, je croise une ânesse en fugue. Elle vient de chez Bernard, mais d’un autre pré. Vu qu’elle tape la discute avec Honoré, j’en profite pour appeler Bernard et le rassurer en attendant qu’il arrive pour la ramener en sécurité. Petite escapade qui m’aura permis de marcher quelques mètres avec deux ânes… Et du coup de penser à Sylvain avec Balthazar et Lucie, maintenant avec Pupy.
Il fait encore très chaud aujourd’hui malgré les orages de la veille. Et le dénivelés est parfois rude, Honoré me le fait remarquer, mon mollet aussi. Heureusement le dos semble vouloir me laisser tranquille, ça m’arrange.
Les paysages sont toujours aussi beaux et les villages de montagne, pittoresques. Depuis hier soir, on marche sur le GR 65, le chemin de Compostelle historique qui passe par Le-Puy-en-Velay, ville choisie par de nombreux pèlerins pour démarrer leur chemin. Le chemin est aménagé pour les pèlerins avec des gîtes qui leur sont dédiés et des attentions particulières comme ce square chemin de croix où l’on fait la pause pique-nique. On longe l’Ardèche, mais nous sommes toujours dans la Loire. Vu que j’ai vu pratiquement son embouchure (Nantes il y a tout juste un an) je vais bientôt passer à sa source, au Mont Gerbier de Jonc.
La journée à mal commencée, ça faisait longtemps qu’Honoré ne m’avait pas refusé une passerelle, mais ce matin il n’y a rien à faire, il ne passe pas ! Je suis contraint de faire un détour, qui finalement m’arrange bien puisque je peux aller faire un complément alimentaire au Carrefour Contact du coin. Mais je suis en colère !
Aujourd’hui le terrain est en pente montante pour pratiquement toute la journée. +771 mètres de dénivelé positif, -122 en négatif. Altitude maxi 1207, altitude minimum 501. Sur une distance de 19 km. Comme rééducation pour une déchirure musculaire au mollet, j’ai pas trouvé mieux ! Mais bon j’ai marché doucement je me suis bien hydraté et ça a tenu.
Il y avait comme d’habitude quelques déchets à ramasser et à trier. Mais j’y reviendrai.
En traversant Bourg-Argental, j’ai rencontré Serge, un pèlerin Suisse-allemand étonné de notre duo. Il fait quelques emplettes dans la ville mais nous c’est déjà fait, on trace. Il me rejoindra plus tard sur un air de pique-nique à Saint-Sauveur-en-Rue. (Note à moi-même : ils sont étranges ces Allemands et Suisses-Allemands, il y a 5 tables de pique-nique libres, mais c’est à la mienne qu’il vient déjeuner). Oui c’est une pause express à peine le temps d’avaler un sandwich et une pomme, moi je préfère prendre mon temps et faire une petite sieste.
Plus tard une famille s’approche pour caresser Honoré. J’apprends que les habitants de la commune sont surnommés « les Picatios d’ânes » ce qui signifie en patois « les pique cul d’ânes ». C’était semble-t-il le seul moyen de les faire avancer dans les montagnes alors qu’ils étaient très chargé de sacs de sel. Nous sommes sur la route du sel. Arrivé pratiquement au point culminant de ma journée, j’ai le choix de poursuivre sur le GR 65 ou de retrouver le GR 7 que j’avais quitté fin juillet avant la déchirure musculaire. Pour des raisons pratiques d’approvisionnement en eau je choisis de poursuivre sur le GR 65. J’amorce la descente et à la sortie de la forêt, un nouveau paysage s’offre à moi. Désormais j’ai une jolie vue sur le Mont Gerbier de Jonc. Je trouve un bivouac dans un pré avec vue sur les montagnes, au Nord le Livradois Forez, au sud les Monts d’Ardèche. Je suis entre le Parc Naturel Régional du Pilat et celui d’Ardèche. Et il y a une chapelle, j’en profite pour temponner ma crédenciale.
Beaucoup de bitume aujourd’hui et quand c’en n’est pas, ce sont des cailloux, dans les descentes bien sûr. Et descendre dans les cailloux avec une déchirure musculaire, ben ça fait mal, plus que de monter 😁 ! J’avais repéré sur la carte un bivouac possible, sur place le site n’est autre que l’héliport du restaurant du chef Marcon à Saint-Bonnet-le-Froid, en Haute-Loire. Tant pi, je poursuis et arrive en Ardèche. Là un couple m’offre une bière fraîche et m’envoi au village suivant où il y a moyen de bivouaquer près de la salle des fêtes, il y a de l’eau et un WC public. Et une gentille ânesse de 3 ans juste à côté. Parfait pour cette nuit.
Le chemin est agréable ce matin entre monts et forêts. On trouve ici régulièrement des bacs de tri, de ceux qu’on appelle les « apports volontaires », qui invitent les habitants à opérer un tri efficace. Cependant les bennes à ordures ménagères sont fermés à clé. Pas sûr que l’incitation soit suffisante pour tous, mais en tout cas on a le choix. De mon côté ça m’oblige à plus sélectionner les déchets que je ramasse, car sans clé je ne pourrai pas me débarrasser des ordures ménagères. Je continue cette matinée de marche très agréable en direction du lac de Devesset. Il y a des tables de pique-nique à l’ombre de pins très odorants. Il y a même un peu d’herbe pour Honoré, la pause sera parfaite. J’ai tout juste le temps de déjeuner, je m’allonge pour une sieste qui sera écourté par un couple de vieux qui passent leur temps à râler et s’engueuler. À tel point que j’hésite entre leur rappeler qu’ils ne sont pas seuls, et partir d’ici. Quand tout à coup j’écoute une voix familière qui crie mon prénom. C’est avec une grande émotion que je retrouve Cathy et Christophe, des amis de longue date de passage ici avec un couple d’amis. Je suis ému de les revoir, ils étaient venus à ma rencontre au tout début de mon tour de France et j’avais promis de passer les voir à Chambéry, mais je n’ai pas pu tenir ma promesse. Enfin pas pour l’instant. Juste le temps de boire un café et de discuter un peu et il est temps de repartir car je dois vite trouver un bivouac pour ce soir, des orages sont annoncés. Finalement la mairie de Saint-Agrève me propose un bivouac près d’un ranch en construction. Un festival de country music et rodéo y est organisé régulièrement. Je suis attendu par un correspondant local du Dauphiné libéré et rejoint rapidement par une adjointe.