Le paysage est tout blanc de neige et de givre, Honoré tarde un peu sur le foin, mais il faut partir, Marine reçoit du monde et j’aimerais partir avant qu’elle ne soit trop occupée. La route est glissante, heureusement aujourd’hui il y aura plutôt du chemin. Impossible de distinguer le relief avec ces nuages bas, mais sur la carte c’est évident, on quitte la montagne pour les Combrailles. Je passe quelques coups de fils pour trouver un hébergement pour ce soir, la météo annonce -10° pas question de monter la tente. Marine m’avait parlé d’un ranch, la mairie de Charbonnières aussi. Je fini par avoir Alain au téléphone, il me propose un terrain pour Honoré et le gîte de son ex-femme, qui est aussi sa voisine, pour que je sois au chaud. Patricia m’accueille avec son ami Dom’ et très vite je suis à l’aise. Patricia et Alain proposaient de la rando à cheval, alors nous avons des choses à nous dire. La soirée est trop courte comme d’habitude. Il a gelé fort cette nuit, la route est verglacée et les chevaux de Patricia ont décidé de se promener dans les environs. Nous partons donc tous ensemble, Patricia et Dom à la recherche des chevaux, Honoré et moi pour une nouvelle journée de marche.
L’objectif du jour est d’atteindre Ébreuil, soit 25 kilomètres. C’est une grosse étape mais je suis attendu chez la maman de Léo qui m’avait reçu à la ferme que j’avais visité tout près du massif du Sancy. L’étape n’est pas très difficile bien que vallonnée, mais nous continuons de quitter les montagnes pour rejoindre la Sioule. Le ciel est couvert et je n’aurai pas beaucoup d’occasion de voir les sommets en me retournant. Mais qu’importe, elles nous auront laissé tellement de beaux souvenirs et j’ai eu la chance de pouvoir prendre de nombreuses photos. Honoré continue d’être chiant mais je crois que c’est de ma faute, j’ai probablement accéléré la cadence, pour lui c’est synonyme de fuite alors il s’arrête et analyse la situation. Nous avons rejoint le GR300, celui qui nous conduira jusqu’à la maison. Le ciel se dégage quand on arrive sur les hauteurs de Saint-Hilaire-la-Croix d’où j’aperçois au loin les contours du Puy-de-Dôme enneigé. Nous sommes à la frontière entre Combrailles et Sioule et la journée est loin d’être terminée. Les caprices d’Honoré font bouger le bât à tel point que je suis contraint de tout défaire et remettre en place pour éviter une blessure. Ce serait dommage si près de l’arrivée. Enfin nous arrivons chez Dominique la maman de Léo. L’accueil encore une fois est extraordinaire et la soirée trop courte.
Concernant les déchets, j’avoue qu’avec ce froid ça n’a pas été ma priorité et mis à part sur le site de pique-nique bien pollué, je ne me suis pas inquiété de ce qui traînait en chemin.
Pour cette avant-dernière étape, on part encore avec des températures négatives et le ressenti est vraiment très froid. Je suis sur les chemins de rando habituels que j’ai plusieurs fois parcouru avec ma chienne. L’émotion monte et ça me fait un drôle d’effet d’être ici avec Honoré. La journée est belle, les couleurs de l’automne laissent place à celles de l’hiver et même si les montagnes sont voilées, l’ambiance est agréable. L’étape du jour est plus courte qu’hier, on a plus de temps pour la pause déjeuner. Honoré se couche, je le laisse tranquille, il l’a bien mérité, ces derniers jours je ne l’ai pas ménagé. On arrive sur Charroux, classé à juste titre « un des plus beaux villages de France ». Mais c’est lundi, tout est fermé. Pas grave, j’ai pensé à ce jour tellement souvent durant notre tour de France, traverser Charroux est toujours un plaisir mais aujourd’hui la saveur est plus forte, c’est notre avant dernière étape, d’en haut on devrait voir la maison. En haut au sud, on voit encore les Puy-de-Dôme, au nord … Ben rien ! Brouillard total, on n’y voit pas a 100 mètres. Bon, c’est peut-être aussi bien, les larmes auraient coulé et avec ce froid, j’aurais eu des stalactites aux yeux ! Allez courage Honoré, on descend à Taxat-Senat, on est attendus. Dorothée, la rédactrice en chef du magazine du pays Saint-Pourcinois pour lequel je rédigeais quelques piges avant mon départ, m’avait suggéré de contacter le maire, Jean-Philippe. Empêché pour raisons de santé, il a dû déléguer notre accueil qui a été grandiose pour une si petite commune. Comme quoi la taille de la commune n’est pas représentative de la qualité de l’accueil. Bien au contraire d’ailleurs, les petites communes prennent plus le temps d’accueillir, de rencontrer et de découvrir les voyageurs qui traversent leur territoire. J’ai été reçu en grandes pompes par un adjoint chez qui Honoré et moi avons dormi et une autre qui nous a invité à dîner. Ce fut encore une très très belle rencontre qui fera sans doute partie de ma nouvelle vie, puisque Monique et Jean-Paul sont des cavaliers qui ont l’habitude d’accueillir dans leur gîte, des randonneurs. Nul doute que cette rencontre est le début d’une collaboration dans ma nouvelle vie de loueur d’ânes de randonnée. Je ne vous cache pas que, malgré un accueil extraordinaire chez Patricia et Jean-Pierre, la nuit a été bonne mais perturbée par mon imagination à propos de cette dernière journée de marche. Et ce matin, j’avais du mal à cacher mon émotion pour bâter Honoré pour la dernière fois de ce Tour de France.
La fine couche de neige tombée dans la nuit, n’aura pas perturbé Honoré. Et nous voici partis dans nos dernièrs au revoir, puis la dernière étape qui s’annonce encore une fois froide mais heureusement courte. Pourtant la journée n’est pas si simple. Et c’est franchement pas si aisé le fait de marcher sur des chemins connus, de ne pas être dans la découverte et de revenir sur une routine, enfin je n’ai jamais été dans une routine mais ce qui n’est pas vagabond devient routinier rapidement. L’émotion me gagne, j’avance, Honoré aussi, mais plus hésitant. Il faut sans cesse le remotiver, moi aussi. On traverse Chantelle en passant par la boulangerie, la supérette est fermée, tant pis on continue notre chemin. Les gorges de la Bouble sont interdites au public, de toute façon on aurait pas pu prendre la passerelle métallique ni les gués gorgés d’eau ! Nous sommes obligés de faire un détour par la route de Saint-Pourçain qui est assez circulante mais finalement, nous y sommes habitués. Honoré reconnait les chemins sur lesquels nous nous sommes entraînés, où je l’ai désensibilisé à la circulation, aux cyclistes, aux joggeurs, bref à tout ce que nous allions rencontrer lors de ce temps de France. Sa démarche est modifiée, la mienne aussi, sans doute. Il s’arrête souvent, trop souvent, et ça m’énerve. Je râle, ce n’est pas juste, il a ses raisons et j’ai les miennes, on ne réfléchit plus de la même façon sur ces derniers kilomètres. C’est dur. C’est la dernière côte, pourtant pas la plus dure, mais qu’est-ce qu’elle est longue ! Et arrivé en haut, juste avant la descente, à la croix du carrefour, j’entends et reconnais le tracteur de Patou. Ce son familier m’émeut et je ne peux retenir mes larmes quand il descend du tracteur pour me saluer.
Je m’attendais à ce que le retour à la vie sédentaire soit difficile. Mais je ne m’attendais pas à apprendrepeu avant mon retour que je n’avais plus de voiture. Je m’attendais encore moins à en trouver une autre dans la cour de la maison que j’habitais. Bien qu’en route nous nous soyons séparés en bon terme, la surprise est violente.
Non, le Tour de France n’est pas une promenade, ce n’est pas non plus une randonnée. C’est un engagement, du militantisme, une conviction… Chacun peut appeler, identifier, interpréter comme il le veut, mais ce n’est pas anodin et ce n’est pas sans conséquence.
Je savais en partant que ce voyage changerait ma vie. Ce voyage m’a tellement appris ! Merci, merci mille fois à tous ceux qui ont croisé ma route, merci à tous ceux que j’ai rencontré, si brièvement soit-il. Merci à tous ceux qui d’une manière ou d’une autre m’ont tendu la main, m’ont accueilli, m’ont hébergé, m’ont proposé une douche, m’ont invité à dîner ou juste à partager un moment de leur vie. Vous faites parti de mon tour de France, vous faites parti de l’engagement écologique que j’ai entrepris avec Honoré. Vous faites parti de ce projet de loi qui je l’espère, un jour, changera notre manière de consommer et d’emballer nos produits alimentaires.
Et si vous connaissez un âne sympa pour marcher avec Honoré, contactez moi 😉
Même si la marche est terminée l’aventure continue, d’une manière différente, mais toujours active.
MERCI 🤗