Après cette série d’orages, il est temps de quitter ce camping très agréable. Le temps est encore lourd et ce matin on rattrape le canal de Bourgogne. On connaît bien maintenant les chemins de halage et à chaque fois je me remémore les régions traversées. Je suis sur le chemin de Compostelle toujours bien balisé, d’ailleurs je viens de remarquer que le balisage ressemble à un drapeau ukrainien à l’envers. Le temps est de plus en plus lourd, j’ai hâte d’arriver dans la forêt qui devrait m’apporter de la fraîcheur. Sauf qu’une barrière empêche d’emprunter le chemin. Pourtant sur la barrière il y a bien la coquille du chemin de Compostelle mais cette barrière couvre toute la largeur du chemin et impossible de la contourner ni de l’ouvrir. Nous sommes attaqués par les moucherons et les taons et obligés de faire demi-tour et d’emprunter le bitume. Du coup le détour m’aura permis de trouver un cimetière et faire le plein d’eau mais c’est 7 km en plus que ce que je voulais faire. Parce qu’après il faut traverser la forêt et les premières habitations sont assez loin. Je repère sur la carte une ferme, je m’en approche pour aller chercher un bivouac. Mais un type sort et me dit qu’ici c’est privé, qu’il faut aller voir plus loin. Il me montre une maison à côté, j’y vais, je suis accueilli par une religieuse mais qui vit en ermite et ne veut donc pas m’accueillir car il n’y a pas d’eau à l’extérieur. Elle me suggère de me rendre à l’abbaye de Cîteaux à deux ou trois kilomètres de là. De toute façon je ne peux pas aller plus loin je suis trop fatigué par cette chaleur, j’ai mal aux pieds, j’ai mal au dos, je suis épuisé. J’arrive à l’abbaye et rencontre le frère qui me propose un terrain qui conviendra parfaitement. J’installe le campement et je vais faire tamponner ma créanciale, le fameux passeport du pèlerin que j’oublie souvent au fond de ma poche. La nuit est calme, un couple d’Allemands bivouac là aussi et ils assistent à toutes les messes. Je profite de la soirée pour répondre au téléphone à Justine qui doit bientôt partir faire le tour de France avec son compagnon François et leurs ânes. Je suis ravi de pouvoir partager mon expérience, j’espère leur être utile et qui sait, nos chemins vont peut-être se croiser.
Le chemin du jour se présente mieux qu’hier, mais les kilomètres en plus sont là et c’est le dos qui trinque. Il y a toujours les déchets, comme d’habitude, ni plus, ni moins. Mais sur les routes je ne ramasse pas, ça roule trop vite et beaucoup ne respectent pas les distances de sécurité, voitures comme cyclistes par ailleurs. Je réduit l’allure et la distance. Un peu de bitume et de route circulante avant de rattraper le GR des grands crus. Vougeot, Vosne-Romanée… D’où est produit le fameux Romanée Conti, un des vins les plus cher de France. Et j’ai la chance de bivouaquer sur un charmant terrain communal et le maire m’apporte un échantillon de sa production. Ça fait bizarre de bivouaquer en dégustant un Romanée mais c’est aussi ça la la magie du chemin. Un correspondant du journal local « Le bien Public » vient à ma rencontre. Je repars tranquillement de mon bivouac direction Nuits-Saint-Georges, encore un grand cru, où je fais quelques courses d’appoint. La météo annonce de la pluie et des orages cette après-midi, je cherche rapidement un bivouac. L’adjoint au maire de Corgoloin me propose le terrain de sport. Les employés municipaux viennent m’ouvrir les vestiaires. Je peux prendre une douche, me raser, faire une lessive. J’assiste même à un double de tennis des anciens du village. Un chouette match entre copains, sans prétention, loin de Rolland Garros, en toute convivialité. Le premier adjoint vient à ma rencontre, nous échangeons longuement sur ma mission et ce soir il y a réunion du conseil municipal pendant laquelle il compte bien parler de notre périple. Et c’est ce qu’il a fait car ce matin Monsieur le Maire viens à son tour discuter avec moi.
Les deux élus me font la surprise de me remettre la médaille de la ville comme encouragement à mon engagement à propos des déchets. Autant vous dire que je suis très touché de cette attention et je remercie le conseil municipal de Corgoloin pour cet honneur. Les employés municipaux eux aussi sont repassés ce matin m’offrir une bouteille de production locale. Je suis gâté.
Je repars finalement assez tard en direction de Beaune. Le chemin pour y aller est essentiellement entouré de vignes et de châteaux. On sent clairement qu’on traverse une zone de vins prestigieux. Certaines voitures dans la cour des châteaux valent à elles seules le prix d’une petite ferme dans le Berry ou la Creuse. D’ailleurs, personnellement, je préférerais la ferme que la voiture. L’arrivée sur Beaune met fin à mon ramassage quotidien de déchets. L’entrée dans la ville se fait par une quatre voies qui amène d’un côté vers l’autoroute et de l’autre dans la ville. Autant dire que la circulation n’est pas propice au ramassage. Pour autant, une fois passé la zone circulante, la traversée de la ville se déroule plutôt bien. Mais impossible de traverser Beaune sans s’approcher des fameux hospices. Je suis un peu déçu car je pensais au moins pouvoir prendre une photo de la cour intérieure, mais elle est bien gardée et impossible de s’en approcher. Je poursuis donc la traversée de la ville et me mets à la recherche d’un bivouac. C’est à Pommard que je trouve grâce à la secrétaire de mairie et au Maire, un parc municipal qui peut m’accueillir. On me confie les clés des toilettes publiques qui me permettront d’avoir de l’eau à volonté.
En longeant ainsi les coteaux, je reste dans le vignes classées Grands Crus et marche au cœur de vins de prestige et des châteaux des propriétaires récoltants. Pour Honoré, c’est bien compliqué car il y a de l’herbe partout sur les bas-côtés et on ne peut pas faire de pause broute car tout est traité ou en cours de l’être. Nous sommes en conflit permanent, ce qui rend la marche bien difficile et douloureuse car il tir au renard pour aller se sustenter. De plus je pense qu’il aimerait bien pouvoir gambader, mais ça fait un petit moment que je suis obligé de le laisser attaché faute d’espace où il pourrait être en sécurité. Depuis que nous sommes partis de chez Coraline et Maxime, il est toujours en longe avec le licol.
La chaleur n’aide pas à le détendre et je cherche un bivouac de bonne heure. On vient d’entrer en Saône-et-Loire et dans le petit village de Remigny je croise un habitant et lui demande où je peux bivouaquer. Il réfléchit et interpelle deux dames qui distribuent des affiches pour le feu d’artifices du week-end prochain, dont Virginie, conseillère municipale, à qui il demande de m’accompagner. Spontanément, elle me conduit à son terrain où elle a des chevaux, l’homme se charge de poursuivre la distribution des affiches. Le terrain de Virginie est un petit paradis caché au cœur du village, mais où le chant des oiseaux règne. Même si le terrain est caché au bout d’un chemin, ma présence est vite divulguer et de nombreux villageois viennent me saluer en toute bienveillance. Honoré est heureux, il peut enfin gambader en toute liberté. Encore une preuve que sur le chemin, il suffit de demander pour qu’il nous apporte ce dont on a besoin. C’est la magie de Compostelle, mais aussi de tous les chemins et ce que l’on en fait, comment on les parcours. Plus tard Virginie revient avec un thermos de café et des bouteilles d’eau fraîches. Est-ce que j’ai déjà dit que je croise beaucoup de gens bienveillants ? Merci pour cette générosité et gentillesse 🤗