Tous les départs d’après pause depuis le début de ce Tour de France, ont été difficiles. Mais celui-ci est au moins aussi difficile que celui de chez Ânes Victoires ou chez Charlotte de Aux ânes etc… Et je pense aussi à Louis et Olivier et à Rébecca. C’est toujours un moment où les émotions sont fortes, probablement amplifiées par la magie du chemin. Et comme à chaque reprise, Honoré me test et ce matin j’ai le droit à la totale : on double à gauche et même par la droite au lieu de rester sagement derrière, on tire pour aller brouter, on s’arrête pour faire semblant de se gratter, on accélère au moment de s’arrêter et on s’arrête au milieu de la route quand une voiture arrive. Bref, je sais que j’en ai pour deux ou trois jours.
Après avoir traversé la Bretagne et la Normandie, pays du beurre et de la crème fraîche, l’Alsace et son Munster, j’arrive au pays du Gruyère. Et je me rend compte que j’ai mal calculé mon coup, je vais arriver dans la région de la raclette en plein été 😉 Heureusement qu’ensuite je ferais un crochet par le pays de l’Aligot, du Cantal et du Saint Nectaire, pour ça y’a pas de saison. Les gens ici sont vraiment accueillants, en passant devant une maison, on m’invite à m’installer dans le jardin. Il est trop tôt pour le bivouac, mais pour pique-niquer ce sera parfait. J’ai même une part de tarte aux pommes et des fraises du jardin. Beaucoup de route pour ce jour de reprise, quelques déchets aussi, même si ce sont des petites routes. J’appelle la mairie de Moimay, ce soir je bivouac près de l’Église. Je fais juste attention à planter la tente devant le buis.
Pour cette deuxième journée après la reprise, nous commençons par devoir traverser deux passerelles en bois, de celles qu’Honoré redoute habituellement. Après seulement cinq minutes de négociations, il franchit la première et ho surprise, il ne ralenti même pas pour passer la seconde. Plus loin deux autres passerelles, plus longues, plus hautes et avec de l’eau en dessous… Hé ben pas de problème, Honoré les passe fièrement. Enfin, c’est moi qui suis fier de lui. Je regarde la carte pour viser dans quel coin bivouaquer, il y a quelques petits villages mais éloignés. J’appelle la mairie d’un village qui me semble dans la limite du kilométrage possible et je tombe sur le portable de Baptiste, le maire qui me propose de bivouaquer chez lui. Rendez-vous est pris, ouf, pas de bivouac à chercher ce soir, y’a plus qu’à marcher. De plus en plus souvent j’anticipe les bivouacs, d’autant que les petites mairies ne sont ouvertes que quelques heures par jour, le matin ou l’après-midi. Les paysages sont magnifiques et je découvre qu’une partie du chemin emprunté aujourd’hui, est également une portion d’un chemin de Compostelle. Il y a de beaux dénivelés, notamment la sortie de Rougemont, une côte qui fait bien mal au genou. Heureusement avant la montée, un couple a rempli les gourdes et offre une bassine d’eau à Honoré. D’en haut je regarde le panorama qui est splendide et duquel il serait possible de voir la ferme de Valérie Alain, avec de bonnes jumelles. Valérie et Alain sont des gens d’une telle gentillesse qu’on ne peux pas les oublier. J’aurais donc bien profité de la jolie vue tout la journée avant d’arriver chez Baptiste et Nadège à Huanne. Promis il n’y a pas de faute, ça c’est s’écrit bien comme ça, c’est bien en France et pas en Chine, c’est dans le Doubs et je n’ai pas vu de pangollin. Et comme je suis dans une période de chance, Baptiste est aussi cuisto et m’invite à dîner. Une soirée très agréable encore une fois autour d’un bon repas et d’un bon verre.
Aujourd’hui encore, les paysages qui s’offrent à nous sont magnifiques. Les foins sont commencés et dégagent une bonne odeur de miel qui présage une bonne récolte. Une famille me propose un bivouac mais il est trop tôt, il faut que j’avance encore un peu. Finalement je tarde à trouver, du coup j’intercepte les gendarmes pour leur demander conseil (c’est toujours drôle d’arrêter les gendarmes ). Je me dirige donc vers un vieux lavoir dans lequel il y a de l’eau bien fraîche et bien clair, qui sera parfaite pour la toilette et la lessive. Honoré a de la bonne herbe, mais il la souille parce qu’on est à côté d’une ferme laitière et la traite est terminée. Voir une quarantaine de vache passer si près de lui sans clôture, ça lui a fait peur. Et pareil pour la traite matinale au retour du pré. Bon ceci dit, il y avait largement assez à manger pour la nuit.
L’étape du jour est encore très jolie et assez vallonnée. Je fais un petit crochet pour aller chercher du pain puis retour vers le chemin, enfin ce qu’il en reste, j’ai de l’herbe presque sous les bras… Il y a beaucoup de versions du chemin de Compostelle par ici, on en quitte un, on en trouve une autre. Ne dit-on pas que tous les chemins mènent à Rome (ou à Compostelle) ? Après la dernière grande montée on fait une pause broute pour Honoré et pique-nique pour moi et même sieste pour tous les deux. La descente est longue et douce et nous conduit vers le Doubs. Rapidement on retrouve la civilisation et une jeune fille et sa maman nous invitent à bivouaquer. Mais il est trop tôt, et surtout le problème se posera demain pour trouver un bivouac. En effet demain il faudra traverser Besançon. Il y a une bonne vingtaine de kilomètres à parcourir pendant lesquels il sera difficile à trouver un bivouac. On a quand même pris le temps de papoter, à côté on prépare le marché du soir et on nous offre de l’eau, puis nous reprenons notre chemin. Maintenant c’est tout plat on longe le Doubs sur un chemin de halage. Ça nous rappelle plein de souvenirs. Ce soir le bivouac sera dans la cour d’une ferme de charolaise. Mais il y a une clôture, Honoré n’a pas peur et nargue même les vaches en se roulant par terre.