La reprise de la marche en partant de chez Jennifer et Ghislain commence par du bitume pour rejoindre Gaillac. L’avantage sur le bitume et en agglomération c’est qu’Honoré me test beaucoup moins que quand on est sur des petits chemins. Par contre il est plus difficile de trouver un endroit où pique-niquer confortablement. Il a fallu donc marcher un peu plus afin de trouver des vignes et des chemins agréables. Une fois le GR 46 rattrapé, le chemin recommence tout doucement à proposer des petites collines. Ça veut dire que les étapes de plaine se terminent et qu’on va rattaquer les dénivelés.
Je reprends les bonnes habitudes de ramassage de déchets, à nouveau on croise des randonneurs qui posent des questions sur notre duo. Et déjà il est l’heure de chercher un bivouac. C’est dans la ferme de Jean-Paul que je trouve mon bonheur, un petit carré d’herbe bien grasse dont Honoré se délecte. Il m’invite même à prendre une douche et sa femme Martine me propose de dîner avec eux et leur fille. Jean-Paul élève des vaches, il travaille aussi en bio et nous échangeons sur notre vision commune de l’agriculture. Chouette soirée, trop courte.
Les premières pentes se présentent sans difficulté, la première descente glisse un peu à cause des feuilles, mais rien qui nous impressionne. Ça monte et d’en haut la vue est magnifique. Les montées rappellent un peu l’Hérault mais en moins dur et pour compenser il y a quelques obstacles comme des arbres couchés sur le chemin ou des barrières. On aperçoit les méandres de la rivière Aveyron qui passe en bas, on voit bien les dénivelés qui nous attendent.
Au détour d’un chemin, Honoré s’arrête et semble attendre quelqu’un. Je ne vois rien ni personne et je me dis que c’est certainement le bât qui a un peu glissé en accrochant une barrière, on en a croisé quelques unes… J’ajuste le harnachement mais il fait demi tour. Il a vu Martine (il y a beaucoup de Martine par ici) qui a arrêté son vélo plus haut et qui veut le saluer. On discute un instant et il se trouve qu’elle habite au bord de notre parcours, près de l’endroit où j’envisageais de bivouaquer. Rendez-vous est pris, on arrive. Martine et Yves ont deux ânesses avec qui Honoré va pouvoir gambader, c’est chouette pour lui. Moi j’ai un beau jardin pour planter la tente, une bonne douche et un repas chaud avec Martine et Yves. Encore une soirée agréable, comme toujours dans le Tarn. Ce matin je prends un petit café et il est déjà l’heure de se mettre en marche.
Ça descend jusqu’à Penne, joli village typique avec son château médiéval, on traverse l’Aveyron, puis ça remonte. La vue est splendide, les gens sont agréables et accueillants. La montée est heureusement assez courte, mais ça remet en jambes pour les jours à venir. Et nous arrivons dans le Tarn-et-Garonne par les plateaux en suivant le GR de pays du Quercy. C’est assez plat, calme, peu de circulation et la vue est reposante. Difficile toutefois de trouver un spot pour pique-niquer, il y a de part et d’autre de grands grillages qui doivent clôturer une chasse gardée. L’ambiance est à nouveau minérale et l’herbe moins riche. Arrive l’heure de chercher un bivouac quand j’approche d’une ferme. Ça sent le bouc et la chèvre, super je dois être sur une chèvrerie. J’aperçois un gamin qui fait du vélo dans la cour et le grand-père assis à l’ombre, je m’approche et demande s’il y a un carré d’herbe pour bivouaquer. « Y’a pas d’herbe ici, c’est la sécheresse, les champs sont cultivés » me répond le vieux avec un air particulièrement con. Hé ben, heureusement que je ne peux pas bivouaquer ici, les bâtiments sont immenses, le quai de traite imposant… Il doit bien y avoir 300 chèvres dans ce grand bâtiment et pas un centimètre carré d’herbe pour les faire pâturer. Les chiens sont attachés dans la cour dans les cailloux avec 3 m de chaîne et ils aboient désespérément. Bref, tout l’opposé de ma vision de la ferme, ici c’est une exploitation, chaque millimètre est exploité, et vu la tronche de sa chemise, chaque millilitre d’eau est économisé.
Je continue mon chemin et tombe sur une charmante famille qui me propose de l’eau mais qui n’a pas de place pour m’accueillir. En face habite le maire qui n’est pas là, je demande au voisin de derrière qui m’accueille en pantoufles, mais qui me dit qu’il n’habite pas ici… On est bien loin de l’accueil chaleureux des gens de Tarn. J’arrive à la mairie qui est exceptionnellement fermée pour cause de réunion. Heureusement tout près il y a une aire de jeux ou des enfants m’indiquent la salle des fêtes où je serai tranquille. C’est la première fois que je dîne seul dans ma tente depuis que j’étais arrivé dans le Tarn.
Ce matin je fais un petit détour complément de course à Septfonds. J’ai retrouvé du plat mais les chemins sont toujours bordés de grillages de chasses gardées. Étrange ! Je trouve quand même un coin avec un petit peu d’herbe pour qu’Honoré puisse brouter et aujourd’hui c’est le jour où le parcours officiel du Tour de France 2023 est dévoilé. Des fuites avaient annoncées que le Tour cycliste ferait la part belle à l’Auvergne, ce sera le cas autant pour le Tour masculin que féminin. Chouette !
Je continue et fais un détour vers Puylaroque, un charmant village perché sur une colline. Impossible de joindre la mairie ni le maire pourtant boulanger du village. Je profite que je suis en avance pour m’arrêter au café du village prendre une bonne bière. La patronne du bar n’est pas très loquace et Honoré commence à manger ses fleurs. Bon tant pi, on s’en va. En tout cas cette mini pause était bien agréable. J’ai repéré sur la carte un terrain de tennis abandonné près du cimetière, ça sera parfait pour la nuit.
Ce matin je pars de bonne heure parce que je me suis réveillé tôt, ça va me permettre de prendre mon temps car le dos recommence à tirer un peu. La journée aura été ponctuée par des tirs d’artillerie, on a longé un camp militaire en plein exercice.
On quitte le Tarn-et-Garonne et nous voici dans le Lot et sur le GR 65, le fameux chemin de Compostelle qui va du Puy-en-Velay à Saint-Jean-Pied-de-Port. Enfin, en fait il part de la Suisse, on en avait emprunté une portion en juillet dernier.
J’arrête la journée assez tôt en trouvant un bivouac chez un paysan qui travaille également au couvant de Vaylats. Des sœurs de cette congrégation étaient encore présentes à Saint-Pourcain-sur-Sioule il y a encore trois ans. C’est sa fille qui m’accueille et me propose de m’installer derrière les hangars, là où il y a assez d’herbe pour Honoré. Ce sera parfait pour la nuit.
Ce matin, je reviens au café du village qui fait dépôt de pain car j’aurais du mal à en trouver dans la journée, même sur le chemin de Compostelle, les villages sont trop petits pour avoir un boulanger.
Je m’arrête de bonheur ce midi pour faire ma pause casse-croûte et je suis rattrapé par un groupe de pèlerins. Ils font partie de ce que j’appelle des pèlerins professionnels, ce sont des gens qui marchent avec des objectifs précis, comme quand ils travaillaient : on part à une heure précise du gîte, on marche tant de kilomètres on fait la pause à tel endroit pour déjeuner puis on remarche encore tant de kilomètres car il faut avoir fini à telle heure pour arriver au gîte… Bref, tout est programmé, pas de temps pour la découverte ou les rencontres, les surprises du chemin… Je plains sincèrement ces marcheurs qui ne profitent pas du paysage et de la marche pour méditer et se ressourcer. « N’oublie pas de lâcher prise ! Que va-t-il rester de ton pèlerinage ? » Bon après tout il font bien ce qu’ils veulent, moi je marche à mon rythme, ou plutôt à celui d’Honoré qui me fait remarquer que je suis fatigué. Il a raison, on va écourter l’étape, on s’arrête juste après être passé sous l’autoroute A20. C’est étrange cette sensation, on était passé au-dessus l’an dernier au mois de juillet quand on a traversé Limoges.
Je refais un petit point déchets parce que sur cette portion passante de Compostelle, je trouve régulièrement des morceaux de papier hygiénique sur les bas-côtés. Alors voici un petit rappel inspiré du livre « comment chier dans les bois ? » Tout d’abord la règle principale d’hygiène est d’éviter que nos bactéries viennent polluer un cours d’eau. Donc on s’éloigne le plus possible et on est vigilant quand il y a des dénivelés, que le colombin ne dévale pas la pente. Ensuite on évite d’utiliser des papiers colorés ou parfumés. Je confirme que le papier blanc essuie aussi bien que le papier rose ou le papier à fleurs ! Et comme je ne suis pas assez souple pour renifler à cet endroit-là, je ne suis pas persuadé que le parfum « trèfle d’Irlande » soit utile. Franchement, que ce soit pour mettre dans les toilettes sèches, dans les toilettes à la turque ou au pied d’un arbre, si on pouvait éviter de faire intervenir la chimie dans ces moments-là, ce sera toujours ça de gagné. Ensuite, je conseille de ne pas enterrer complètement la commission, mais seulement de la recouvrir avec des feuilles et du branchage voire des pierres quand on n’a rien d’autre. Parce que nos colombins seront d’autant plus longs à dégrader par la nature, qu’ils sont enterrés profond. Dame nature connaît bien son boulot, elle est équipée d’une armée d’insectes coprophages qui se nourriront de nos bactéries. À ceux qui disent encore au revoir à leur caca, n’oubliez pas que c’est surtout pour les enfants.