Toujours sur la voie verte, le paysage change assez rapidement. Après Saint Guen, les parcelles agricoles se font plus grandes, les dénivelés moins intenses et donc la production agricole plus intense aussi. Pendant quelques kilomètres on marche entre départementale et voie express, même si on reste sur la voie verte, c’est pas génial. J’insalle le bivouac à Loudéac, nous sommes à la moitié du parcours qui nous conduira jusqu’à Saint-Méen-le-Grand, ville de Louison Bobet. Après Julian Alaphilippe à Saint-Amand-Montrond, Raymond Poulidor à Saint-Léonard-de-Noblat, bientôt Louison Bobet, on passera peut-être chez Bernard Hinault à Calorguen ! En attendant, je suis au bord de la voie verte près de chez Stéphanie, Olivier et leurs enfants Thomas, Louanne et Tony. Ils ont la gentillesse de m’offrir l’apéro, dîner et une bonne douche. Encore une soirée très agréable et réconfortante. En attendant de passer à table, le voisin du coin vient discuter avec moi. Deux autres personnes m’invitaient ce soir. Mais celui-ci me raconte l’histoire de sa région à tel point que je le prends pour un historien. Mais non, juste un vieux paysan qui aime sa région. Je suis toujours impressionné par ces gens qui connaissent aussi bien l’histoire, les dates des guerres, noms des rois, dates de leurs reignes… J’ai déjà du mal à me souvenir de ma date de naissance ! Mais il est l’heure d’aller dîner au chaud, ça va faire du bien. D’autant que comme il a fait très beau aujourd’hui (même les chaussettes ont séchées), il risque fort de geler cette nuit. Bon, ici la météo change vite, à 5 heures du matin le brouillard est tombé et nous a caché le soleil toute la journée du lendemain. Heureusement les enfants sont venus m’apporter le café, des clémentines et des pains au lait pour le petit-déjeuner, juste avant de partir pour l’école. Merci les enfants. Ha j’oubliais, Honoré avait été gâté de carottes hier soir. Le brouillard, disais-je, ne se lèvera pa. Je fais une brève halte au supermarché de Loudéac, Honoré avait attiré l’attention sur son harnachement… puis c’est reparti pour une nouvelle journée de marche.
Mais c’était sans compter sur une série de passerelles qu’Honoré ne voudra pas prendre. Pourtant sur la première, il avait mis les quatre pieds, il ne restait qu’un petit mètre à passer… non, demi-tour au galop, et le Stéphane par terre ! Pas content, puisque c’est comme ça, pas de pause herbe aujourd’hui. Je recompte mes vertèbres… ça ira, mais j’ai mal. Faut continuer, détour. Une seconde, puis une troisième passerelle… changement de cap, j’ai déjà plus de 4 km de détours pour rien. Il n’y a même pas d’eau en dessous, parfois même pas de route ! Âne à vendre ! Mer…de. Finalement j’arrive à La Prennesaye, un joli petit village avec un camping et un étang. J’en ai marre des étangs, c’est beau mais humide. Mais ça me fera mon bivouac. Après avoir demandé aux riverains, je m’installe et ne reverrais personne. J’ai acheté le journal aujourd’hui, les chaussures sont trop mouillées, il faut éponger de l’intérieur. Et dedans (oui je l’ai lu quand même), il y a les coordonnées de la correspondante locale. J’envoie mon dossier de presse, elle me rappelle quelques minutes plus tard. Le lendemain à 9 heures, Ouest-France, Le Courrier et le Télégramme sont venus me voir. Sympa l’échange d’infos entre correspondants, ça me rappelle la belle époque avec Dédé et Kiki (Le Berry et la Nouvelle République, quand je couvrais pour l’Écho du Berry).
Départ retardé du coup, mais moment agréable. Pourtant je ne ferai pas moins de kilomètres aujourd’hui. Mal au pieds, dos, genou… je trouve une chapelle, Sainte Brigitte et Saint Antoine se partagent le lieu. J’ai « la chance » d’être repéré par le voisin qui a la clé et me fait visiter. Je lui demande de l’eau pour Honoré et me laver. Il me donne un sceau d’eau de pluie. « Ho, ça va être frais pour la toilette » répondis-je au brave homme. « Non pensez-vous, c’est de l’eau de gouttière, elle est propre et pas trop fraîche » me repond le retraité. Bon ben je vais me contenter de ça… Au petit matin, alors que je prépare mon petit déjeuner, une dame âgée m’observe au loin. Je la regarde, lui dis bonjour, mais pas de réponse. Elle est resté plantée là comme une vache qui regarde passer le train, tout le temps de mon petit déjeuner. Bizarre les gens ici. Je plie ma tente humide et constate que de la fenêtre de la maison d’à côté, quelqu’un m’observe derrière la vitre. Il est décidément grand temps de partir !
Je vais chercher mon pain dans la petite ville voisine et m’apprête à marcher sur une ligne droite interminable dont une longue partie se trouve le long d’une quatre voies en construction. Bref, j’ai hâte d’en terminer avec cette voie verte. La fatigue se faisant ressentir, je quitte l’ancienne voie de chemin de fer pour m’approcher d’habitations à la recherche d’un bivouac. Je croise des dames qui me disent qu’au lieu dit suivant, j’ai des chances de trouver mon bonheur. Première maison : Bonjour madame, je fais le tour de la France avec mon âne et je cherche un endroit pour bivouaquer cette nuit, auriez-vous un bout de terrain ? Non ! Lance le mari arrivant derrière. Ha, pourtant j’avais bien vu le verger derrière mais bon… quel con celui-là ! Je poursuis, même question à la ferme suivante. Ha ben vous comprenez c’est pas grande chez nous. OK ! Ferme suivante, un vieux se balade torse nu avec le bras en écharpe et les cheveux en bataille au milieu de tas de ferraille (il doit faire 3 degrés dehors), un autre plus jeune ne semble pas en meilleur état. J’ai l’impression d’être dans un film… Délivrance, c’est ça, le nom du film. Plus loin, un autre type sale, la moustache affichant le menu de la semaine, comme le pull d’ailleurs. OK Honoré, on se sauve d’ici et vite. Dépité, le soleil commence à décliner, il faut trouver et rapidement. Je tente un ultime détour et fini par trouver une maison habitée. OK pour le terrain. J’ai même de l’eau chaude pour me laver et fraîche pour Honoré. Ouf. En tout cas merci Mélanie et sa famille pour l’accueil et les conseils d’itinéraires. En effet, Mélanie est une grande randonneuse et connaît bien le coin. Normalement de mon bivouac, je devrais voir la forêt de Brocéliande, mais le ciel n’est pas suffisamment dégagé. Demain matin je change de département, j’arrive en Ille-et-Vilaine et commencerai la journée par Saint-Méen-le-Grand (prononcer Saint-Main). Au passage, des dames m’interpellent, elles tiennent la permanence des Restos du cœur et m’offrent un quatre quart qui fera mon dessert et mon goûter. Pourtant je vais quand même à la grande surface, demain je vais faire du woofing, je ne veux pas arriver les mains vides. En sortant d’Intermarché, la gérante, vient offrir des carottes à Honoré et parlera de nous sur la page du magasin. Puis finalement demi-tour, Louis me propose un lieu de bivouac chez une amie, Anne-Claude, qui m’accueille chaleureusement, douche et invitation à dîner. Il me restera 14 km demain pour rejoindre sa ferme. Magnifique rencontre avec Anne-Claude, une artiste aux vies bien remplies et riches de savoirs. Je serais bien resté quelques jours discuter avec elle, mais je vais woofer. Merci pour cette belle rencontre.